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Nutrition sportive : jeûner pour un sportif, une idée raisonnable ?

Nutrition sportive : jeûner pour un sportif, une idée raisonnable ?
Par ATLET : Caroline Joucla 22 janvier 2021 31819 Vues Aucun commentaires

Jeûner pour un sportif, une idée raisonnable ?

RÉCAP’ :

Lorsqu’on lit les livres de nutrition que ce soit dans le domaine de la prévention ou de la thérapeutique, aux pages dédiées aux différents régimes alimentaires, le jeûne n’est pas décrit. On le retrouve dans les pages « modes alimentaires » !
Pourquoi ? Parce que le jeûne est à la fois une situation physiologique, une pratique ancestrale à dimension religieuse et spirituelle, et aujourd’hui une mode.

QUELQUES VÉRITÉS SUR LE JEÛNE

Vérité n°1 :

Intégrité musculaire : Il est dangereux pour les muscles, notamment le muscle cardiaque d’effectuer un effort cardio à jeun. Le tissu musculaire va être en première lien pour fournir les acides aminés indispensables à la néoglucogénèse dès que la réserve en glycogène va être épuisée.

Vérité n° 2 :

Performance : Lors d’un effort physique prolongé, on constate une adaptation naturelle de l’irrigation sanguine, des organes digestifs au profit des muscles dont les besoins sont augmentés. Le coût énergétique de la digestion est donc minime ; courir à jeun ne permet pas d’économiser suffisamment d’énergie pour expliquer une augmentation de la performance. Au contraire, cela demande l’activation de voies du métabolisme glucidique qui mettent les fibres musculaires en danger.

Vérité n°3 :

Perte de poids : La pratique du jeûne intermittent dans le but de perdre du poids chez le sujet en santé ou celui en situation de surpoids ou d’obésité n’est pas recommandée ; en effet, elle conduit à moyen long terme à une hyperphagie de type « Binje Eating » et un rebond d’adiposité !

Vérité n°4 :

Diabète : Il est bien établi que le jeûne (dans le cadre d’une restriction calorique), associée à la perte de poids, permet une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Le taux d’insuline à jeun diminue jusqu’à 42% chez les non obèses et la sensibilité à l’insuline est améliorée. L’hémoglobine glyquée des sujets sains s’abaisse pendant la période de jeûne mais pas de manière durable en post-restriction. Les résultats concernant le taux de glucose sanguin sont moins concluants puisque certaines études ne notent aucun changement de ce paramètre, alors que d’autres relèvent une diminution allant jusqu’à 21% du taux de sucre

Vérité n°5 :

Énergie : La fatigue est LE symptôme cardinal du jeûne. L’hyperactivité du début de jeûne observée dans le modèle animal, ne s’applique pas à l’Homme. La production de corps cétoniques provoque un effet euphorisant et anorexigène mais la fatigue se manifeste dès les premières heures de jeûne et persiste plusieurs semaines après l’arrêt de ce dernier ; elle est intense, accompagnée de douleurs musculaires, d’étourdissements, d’apathie, de perte d’ambition, d’une insomnie et d’un besoin accru d’heures de sommeil. La même symptomatologie est observée lors du jeûne du ramadan.

Vérité n°6 :

Psychisme : Concernant la santé psychique, diverses études témoignent des effets néfastes du jeûne avec le développement d’irritabilité, d’incapacité de concentration, de retrait social, ou, de façon plus inquiétante, des scores augmentés pour la dépression, l’hypochondrie, l’hystérie ou encore la schizophrénie et la paranoïa sur le long terme.

Vérité n°7 :

Troubles du comportement alimentaire : La pratique du jeûne entraine un comportement preuve d’une attention obsessionnelle portée quotidiennement à la nourriture. La prise alimentaire devient un acte individuel, quasiment égoïste, sans plaisir, où les autres n’ont pas de place. Il s’agit là d’orthorexie, un comportement apparenté aux troubles du comportement alimentaire.

Vérité n°8 :

Risques cardio-vasculaires : Les effets bénéfiques du jeûne s’observent principalement sur l’amélioration de certains facteurs de risques concernant le métabolisme lipidique, glucidique, l’hypertension artérielle et la sédentarité. Du jeûne intermittent (Alternate Day Fasting) ressort un aspect sexe-dépendant : seules les femmes ont montré une augmentation des HDL (dit « bon cholestérol ») alors que la diminution en triglycérides ne concerne que les hommes. Chez le sujet obèse, un ADF de 8-12 semaines est associé à une diminution de 5% du poids, de 20-25% des LDL (athérogène), de 15-30% des triglycérides.

Vérité n° 9 :

Cancer : Selon des études de laboratoire sur des cellules ou sur des animaux, un jeûne court (48h) pourrait augmenter l’effet de la chimiothérapie sur certains types de cellules cancéreuses, tout en offrant une certaine protection des cellules saines contre les effets indésirables. Cependant, chez l’homme, il n’existe aucune preuve du bénéfice d’un jeûne avant une chimiothérapie. Un jeûne peut même s’avérer dangereux en favorisant une perte de poids associée à une perte de muscle, et entraîner ou aggraver une dénutrition (avec le risque d’un arrêt des traitements !). (Cf. Rapport Nacre 2017)

Vérité n° 10 :

Études : La plupart des allégations concernant le jeûne thérapeutique ne sont pas étayées par des données scientifiques solides et/ou reposent le plus souvent sur des études animales.

Nous nous devons de rester critique face aux diffusions publiques de résultats d’études scientifiques. Le lecteur grand public devrait toujours être mis en garde pour ne pas mettre en place des résultats encore préliminaires.

running conseil jeûne sportif

Lorsqu’on lit les livres de nutrition que ce soit dans le domaine de la prévention ou de la thérapeutique, aux pages dédiées aux différents régimes alimentaires, le jeûne n’est pas décrit. On le retrouve dans les pages « modes alimentaires » !
Pourquoi ? Parce que le jeûne est à la fois une situation physiologique, une pratique ancestrale à dimension religieuse et spirituelle, et aujourd’hui une mode.

L’homme est un mangeur intermittent puisqu’il ne mange pas en permanence mais de façon séquentielle, au cours de repas. Il est aussi un mangeur omnivore, social et gourmand.

Pourquoi le jeûne connaît-il aujourd’hui un tel enthousiasme ? Y a-t-il un bénéfice à jeûner chez la personne en bonne santé, chez le sujet malade ou chez le sportif ?

Le jeûne est à la mode. On le retrouve dans les magazines féminins, de psychologie ou encore religieux, dans des magazines de cuisine, dans diverses émissions TV. La toile regorge de sites spécialisés, pour nombreux dédiés aux sportifs, vantant les bien-faits d’une telle pratique.
Sur le plan scientifique, les études sont nettement moins nombreuses et se limitent principalement à des expérimentations animales.
Chacune de ces publications grand public propose des approches différentes du jeûne pouvant porter à confusion : un trop grand nombre d’informations mêlant différentes pratiques avec différents effets potentiellement contradictoires et délétères. La clarification des messages relatifs au jeûne semble nécessaire afin que nous soyons informés sur les réels effets de cette pratique « à la mode ».

➢ Petits rappels sur le fonctionnement du corps humain :

Notre estomac met 6h00 à se vider complètement. Le jeûne n’est en fait, réel que pendant la nuit (nous restons 10 à 12h00 sans prise alimentaire). Notre organisme a pour mission de fournir en permanence de l’énergie à tous les tissus pour subvenir à tous leurs besoins. Le cerveau est une priorité absolue : il dépense 140 g de glucose par jour. Pour reprendre la métaphore employée par Jean-Michel Lecerf et Jean-Louis Schlienger, dans la 2ème édition de leur livre « Nutrition préventive et thérapeutique », édition Elsevier Masson, mars 2020, l’estomac est le carburateur de notre moteur. Du fait de sa vidange progressive, il délivre glucides et lipides. Le foie, quant à lui est le deuxième organe impliqué dans la fourniture énergétique : il stocke le glucose sous forme de glycogène et il est capable de fabriquer du glucose via la néoglucogénèse. Les muscles et le tissu adipeux viennent ensuite. Les muscles constituant une réserve de glycogène ; puis par défaut d’apport énergétique, ils seront mis à contribution pour fournir des acides aminés glucoformateurs lorsque les réserves sont épuisées. Les adipocytes sont une autre source d’énergie. La finalité de ce système est la survie, sachant que les réserves cumulées du foie et des muscles en glycogène sont faibles : 24h00 de stock maximum.

➢ Qu’est-ce que le jeûne ?

Le jeûne est un mode de privation alimentaire et/ou de boissons énergétiques, volontaire ou non.

Physiologiquement, au début du jeûne (sept heures après un apport énergétique), la principale caractéristique métabolique est l’obligation de fournir du glucose aux tissus par glycogénolyse hépatique initialement (utilisation du stock de glycogène). Lorsque le jeûne se prolonge, les réserves en glycogène s’épuisent, l’insulinémie baisse, ce qui favorise la libération d’acides gras par lipolyse des triglycérides stockés dans le tissu adipeux ; ces acides gras seront utilisés préférentiellement comme substrats énergétiques par certains tissus capables de les métaboliser (muscles, cœur), alors que le glucose sera « réservé » aux autres organes (cerveau, globules rouges). Après épuisement des réserves en glycogène, les tissus gluco-dépendants seront fournis en glucose par la néoglucogenèse à partir des acides aminés, principalement, et du glycérol. Pendant cette période appelée « jeûne court », lors d’un effort physique, le muscle devient donc un important producteur d’acides aminés, via une augmentation de la protéolyse musculaire. La synthèse musculaire est parallèlement réduite, d’où une fonte musculaire rapide. Une phase d’adaptation au jeûne prolongé se met en place après 45 jours avec utilisation des corps cétoniques comme substrats énergétiques notamment pour le cerveau. Les corps cétoniques sont des métabolites produits par cétogenèse hépatique à partir des acides gras. Il en résulte une diminution de la néoglucogenèse et donc de l’hypercatabolisme protéique musculaire. Les mécanismes permettant cette épargne azotée ne sont pas totalement élucidés. La pratique de l’activité physique au cours du jeûne prolongé « pourrait » permettre de limiter la fonte musculaire, et la prière/la méditation pourraient également avoir des effets bénéfiques en inhibant l’axe du stress.

Réponse métabolique au cours du jeûne

running conseil jeûne sportif

1 : glycogénolyse ; 2 : néoglucogenèse ; 3 : synthèse des corps cétoniques
Source : Le jeûne dans la santé et pendant la maladie

Najate Achamrah, Yves M. Dupertuis, Claude Pichard - Rev Med Suisse 2018; volume 14. 1128-1132

Il existe plusieurs types de jeûne (outre les différents jeûnes religieux) :

✓ Le jeûne complet ou hydrique n’autorise que la prise d’eau (l’absence d’hydratation conduit à une mort rapide, en moins de 10 jours) !
✓ Le jeûne partiel ou restriction calorique, RC varie en durée (2 jours à 18 mois) et en intensité (10 à 100% des besoins journaliers). L’apport calorique peut être amené par un repas unique quotidien laissant place à 23h d’abstention de toute nourriture ou être fractionné en plusieurs petites collations au cours des 12h de la journée. Ce type de jeûne est apparenté au VLCD (very Low Calorie Diet) que l’on préconisait autrefois pour maigrir (et qui est à l’origine des « effets yoyo » que l’on connait bien !). Notons que, généralement, l’apport alimentaire, même minime, répond aux caractéristiques d’une alimentation équilibrée.
✓ Lors du jeûne intermittent, « Alternate Day Fasting » ou ADF, un jour de jeûne, où l’accès à la nourriture est restreint ou supprimé, s’alterne avec un jour de nourriture ad libitum. L’alternance dure le plus souvent entre 12h et 24h. Ce type de jeûne n’est pas forcément associé à une diminution globale de l’apport énergétique. D’autres formes de jeûne intermittent, incluent 2 à 4 jours de jeûne alternés avec 2 à 4 jours ad libitum.
✓ Le jeûne dit de Buchinger inventé par Otto Buchinger, est un jeûne partiel de 7 à 21 jours à base de jus et de bouillons filtrés fournissant 250 à 300 Kcal/ jour.
✓ ….
Certains prônent simultanément le repos, d’autres l’activité physique. Cette dernière proposition, en augmentant le catabolisme musculaire, aggrave le statut nutritionnel, entraine la dénutrition et une sarcopénie qui, en fonction de l’âge, est irréversible.

Remarque : Les études sur le jeûne portent majoritairement sur les modèles animaux ; quant à l’homme, c’est essentiellement sur :
• l’adulte bien portant
• l’adulte en surpoids ou obèse
• le sujet malade
• les sportifs

➢ Ce que l’on peut lire dans la presse et sur la toile :

➢ Ce que l’on peut lire sur le web : « Quand vous jeûnez et que, donc, votre niveau de glucose baisse, c’est une hormone hyperglycémiante qui va être produite par le pancréas : le glucagon. Cette hormone fait exactement le contraire de l’insuline. Elle « dit » à votre corps de prendre les graisses pour les transformer en glucose et les mettre dans votre sang pour en stabiliser le niveau. C’est d’ailleurs le seul moyen, dans les faits, de brûler les graisses ! »

La réponse médicale/ scientifique :

Rappel fondamental (d’après le livre médical référence : le fameux « Vidal ») : Le glucagon est une substance hyperglycémiante qui mobilise le glycogène hépatique, celui-ci étant alors libéré dans le sang sous forme de glucose. De ce fait, le glucagon ne sera pas efficace chez les patients dont les réserves hépatiques en glycogène sont épuisées. C’est pourquoi le glucagon a peu ou pas d’effet en cas de jeûne prolongé, d’insuffisance adrénergique, d’hypoglycémie chronique ou d’hypoglycémie induite par l’alcool.
Dans le jeûne court (le plus pratiqué), le but principal de l’organisme est de fournir du glucose au cerveau par néoglucogénèse, à partir des acides aminés principalement, mais aussi du glycérol par lipolyse. Cependant, durant cette période, les pertes urinaires azotées (témoin du catabolisme protéique) restent équivalentes à celles observées lors d’une alimentation normale ; cela signifie qu’en l’absence d’apport azoté la balance devient très négative, menant à une perte rapide de protéines. La masse maigre (donc le muscle) est alors le principal pourvoyeur d’acides aminés par protéolyse. La synthèse protéique est réduite afin d’épargner les acides aminés issus de la protéolyse. Ceci contribue à une fonte musculaire rapide.
Du point de vue hormonal, la diminution de l’insulinémie (au profit de la diffusion de glucagon) explique l’augmentation de la protéolyse, cette adaptation n’étant que transitoire, la fonte protéique étant trop rapide pour être compatible avec la survie. Une adaptation visant à l’épargne protéique va donc se mettre en place (mais dans un 2ème temps) de façon progressive, s’accompagnant d’une manière régulière de la concentration en glucose. Ainsi, dans cette 2ème phase, la lipolyse va libérer les acides gras du tissu adipeux pour fournir de l’énergie par ß-oxydation, aux autres tissus non glucodépendants. Celle-ci induit la production de corps cétoniques qui, d’une part peuvent être utilisés comme substrat de dépannage par le cerveau et, d’autre part, exercent un effet anorexigène et euphorisant.

➢ Ce que l’on peut lire sur le web :

Quelques bienfaits prouvés scientifiquement du jeûne intermittent

  1. Le cardio est plus efficace à jeun car vous brûlez mieux les graisses grâce à l’absence de sucre dans le sang.
  2. Perte avérée de poids : de 6 à 10 kilos en quelques mois, voire semaines, tout en conservant un apport énergétique normal.
  3. Réduction de la production d’insuline.
  4. Diminution de l’inflammation des tissus.
  5. Baisse des risques cardio-vasculaires.
  6. Meilleur appétit et plus grande appréciation du repas.
  7. Augmentation de l’espérance de vie.
  8. Conservation du même apport calorique quotidien mais mieux réparti.
  9. Meilleur fonctionnement du cerveau qui, nourri par les corps cétoniques au lieu des glucides pendant une grande partie de la journée, produit des neurones.
  10. Résistance améliorée au stress médicamenteux.
  11. Diminution du mauvais cholestérol.
  12. Régulation de la température corporelle.
  13. Réduction des risques de diabète.
  14. Meilleure réponse au stress oxydatif.
  15. Ralentissement du développement des maladies chroniques.
  16. Lutte contre certains cancers comme le cancer du sein comme démontré dans une étude publiée le 31 mars 2016 dans le Jama (Journal of American Medical Association).

La réponse médicale/ scientifique :

1. Il est dangereux pour les muscles, notamment le muscle cardiaque d’effectuer un effort cardio à jeun. C’est le muscle qui va être en première lien pour fournir les acides aminés indispensables à la néoglucogénèse dès que la réserve en glycogène va être épuisée.

2. La perte de poids constitue souvent la conséquence la plus recherchée lors de la pratique du jeûne. Plusieurs études, comme :
- « CALERIE » (Comprehensive Assesment of Long-term Effects of Reducing Intake Energy);
- Johnstone AM. Fasting? The ultimate diet ? Obes Rev. mai 2007;8(3):211-22
- Fontana L, Klein S. Aging, adiposity, and calorie restriction. JAMA mars 2007;297(9):986-94
avaient pour objectif de quantifier les changements de la dépense énergétique, de la composition corporelle et du poids. Résultats : une RC de 22% chez des personnes saines très actives mène à une perte de poids de 17% en 18 mois. En terme de Kg perdus, un jeûne total de 6 jours est associé à une perte de 1 Kg/j, une RC à 600 Kcal/ jour de 3 semaines est associée à une perte de 0,520 kg/j, une RC à 1200 Kcal/j de 6 semaines à une perte de 0,320 Kg/j. Sur le plan de la composition corporelle, la perte de poids observée lors d’une RC concerne pour 75-80% la masse grasse. La perte de 20-25% de la masse maigre ne peut être prévenue même avec une alimentation hyperprotéinée. Donc, le sportif endurant, peu gras, à tout à perdre à se lancer dans cette mode du jeûne.

3. La production d’insuline : elle diminue forcément puisqu’aucun sucre simple (glucose, fructose, saccharose) n’est ingéré.

4. L’inflammation tissulaire : Le dernier rapport INSERM (« Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique », Juliette Gueguen Isabelle Dufaure Caroline Barry Bruno Falissard ; Avec l’expertise critique d’Hadrien Reyre et de Luca Semerano – 10/01/2014) fait part d’une seule étude sérieuse en la matière ; elle concerne la polyarthrite rhumatoïde : l’étude de Sköldstam et al. consiste à évaluer l’effet d’un jeûne suivi d’un régime végétarien. La durée de l’essai est de 12 semaines. Le jeûne mis en place est de type Buchinger avec un apport calorique d’environ 200 Kcal par jour. Il est accompagné de purges et d’exercices physiques. Il est suivi d’un régime végétarien modifié, n’autorisant pas la consommation d’œufs et de lait non transformé. La farine blanche, le sucre et le sel doivent être consommés en quantité limitée. Les auteurs concluent que le jeûne apporte un soulagement temporaire aux patients atteints de polyarthrite rhumatoïde qui se traduit par une réduction sensible de la sensation de douleur et de raideur signalées et qui se trouve renforcée par une réduction significative de la consommation de médicament. Comme les purges étaient une part du traitement durant la période de jeûne, les auteurs précisent qu’ils ne peuvent exclure un effet bénéfique de ces lavements. En revanche, les effets bénéfiques n’ont pas persisté après les 9 semaines de régime végétarien. Les auteurs soulignent que l’effet bénéfique d’une cure de 10 jours de jeûne semble peu de chose au regard de la durée d’une maladie chronique, ils ne sont pas certains qu’ils conseilleraient à des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde de faire cette cure parce qu’ils estiment que trop peu de choses sont connues sur les réactions de patients à une cure de jeûne.

5. Effet sur les risques cardio-vasculaires : Les effets bénéfiques du jeûne sur la santé cardiovasculaire s’observent principalement sur l’amélioration de certains facteurs de risques concernant le métabolisme lipidique, glucidique, l’hypertension artérielle et la sédentarité. Dans les études animales, il ressort que le jeûne lutterait en effet contre le développement de l’athérosclérose (Cf. Redman LM, Ravussin E. Caloric Restriction in Humans: Impact on Physiological, Psychological, and Behavioral Outcomes. Antioxid Redox Signal. 15 janv 2011;14(2):275‐87). Pour le métabolisme lipidique, les marqueurs de la dyslipidémie semblent bénéficier de quelques améliorations sous la pratique du jeûne. Chez les sujets sains, il apparait une diminution des triglycérides d’environ 18%, du taux de cholestérol de 30% ainsi que de LDL. D’autres retrouvent des valeurs oscillantes des triglycérides et une diminution des HDL durant 6 mois de RC. Du jeûne intermittent ADF (Alternate Day Fasting) ressort un aspect sexe-dépendant, puisque seules les femmes ont montré une augmentation des HDL alors que la diminution en triglycérides ne concerne que les hommes. Chez le sujet obèse, sujet à fort risque cardio-vasculaire, un ADF de 8-12 semaines est associé à une diminution de 5% du poids, de 5-7 cm de tour de taille, de 20-25% des LDL, de 15-30% des triglycérides.

6. La question de l’appétit : Concernant la sensation de faim, elle ne serait pas ressentie de la même manière selon l’état nutritionnel des sujets. Certaines études anciennes soutiennent que lors d’une RC totale les personnes obèses perdent la sensation de faim. Mais cette diminution de la sensation de faim est décrite qu’à partir de la 5ème semaine et est présente après une RC prolongée de 6 mois dans l’étude CALERIE. Lors de régime ADF chez les individus en surcharge pondérale et obèses, la satiété et la satisfaction à manger s’améliorent après 3 mois seulement. Lorsqu’une activité sportive est associée à cet ADF, l’effet favorable sur la satisfaction à manger et la satiété disparait alors que la faim n’est toujours pas modifiée (Bhutani S, Klempel MC, Kroeger CM, Aggour E, Calvo Y, Trepanowski JF, et al. Effect of exercising while fasting on eating behaviors and food intake. J Int Soc Sports Nutr. 1 nov 2013;10:50.). Plusieurs études challengent même l’idée que l’exercice génèrerait une hyperphagie qui restaure l’énergie dépensée (Blundell JE, King NA. Exercise, appetite control, and energy balance. Nutrition. juill 2000;16(7–8):519‐22.).

7. L’espérance de vie : il faudrait s’y mettre très tôt, avec des effets délétères sur la croissance et les générations suivantes !
Des résultats scientifiques prouvant l’augmentation de l’espérance de vie et le ralentissement du vieillissement chez des rats adultes sous RC existent déjà depuis 1935. D’autres études ont soutenu ces résultats en observant une amélioration de la longévité de différentes espèces sous RC et ceci en corrélation avec le degré de restriction et l’âge de l’animal lors de l’initiation de la RC. Débutée à l’âge de 6 mois, une RC de 30 à 60% chez des rats permet une augmentation de la longévité de 30 à 60%, alors qu’une RC de 40% débutée à l’âge adulte (12 mois) n’a permis qu’une amélioration de 10 à 20% de la longévité. L’ADF montre lui aussi une amélioration de l’espérance de vie dans le modèle animal.
Mais, direz-vous, il a été prouvé, avec les études auprès de la population d’Okinawa au Japon, que le jeûne et la restriction calorique allongent l’espérance de vie ! Cette population a probablement la plus longue espérance de vie au monde et certains attribuent effectivement ce phénomène de « vieillissement en santé » principalement aux facteurs nutritifs et à la RC. Des études récentes sur la population d’Okinawa sont précieuses quant à l’observation des conséquences d’un jeûne et de ses effets sur plusieurs générations. Elles mettent en évidence que les conditions métaboliques pour de telles restrictions ont abouti à un faible poids, une petite taille et un IMC d’environ 21 kg/m2 des habitants de l’île.

8. Une meilleure répartition de l’apport calorique : Que répondre à cela ? Les recommandations ANSES (3 repas par jour pour l’adulte bien portant, + collations en fonction de l’âge) se basent sur des revues de littérature médicale débattues par une centaine de médecins spécialisés. Elles tiennent compte des avancées médicales et des rythmes de vie dans notre pays. On ne peut pas demander à un citoyen français de se nourrir selon le rythme népalais !

9. Meilleur fonctionnement du cerveau grâce aux corps cétoniques et production de nouveaux neurones : Les preuves des bénéfices du jeûne sont pauvres dans ce domaine. Sur le plan cognitif, chez l’Homme, des études cas-contrôles ont retrouvé une association entre de faibles ingesta caloriques et une incidence diminuée de maladies neurodégénératives de type Alzheimer ou Parkinson. Une activation de la Sirtuine 1* par la RC serait responsable de la diminution de production de la substance amyloïde impliquée dans le développement de ces pathologies. Sur le plan interventionnel, seule l’absence d’effet négatif d’une RC sur la mémoire verbale, mémoire à court terme, attention et concentration a été retrouvée.
*(Les sirtuines sont des enzymes qui forment une famille conservée d’histones désacétylases nicotinamide adénine di nucléotide (NAD)-dépendantes et d’ADP-ribosyltransférases. Elles participent à la régulation de nombreuses voies biologiques, et semblent jouer un rôle primordial dans les effets liés au vieillissement). Chez le rat, une RC long terme est associée à un moindre déclin de la mémoire, en comparaison avec les rats nourris à volonté. Ce bénéfice s’explique par une diminution de la vulnérabilité des neurones via l’action de protéines « chaperones » et une amélioration de la survie des neurones situés dans l’hippocampe (Donmez G, Arun A, Chung C-Y, McLean PJ, Lindquist S, Guarente L. SIRT1 protects against α- synuclein aggregation by activating molecular chaperones. J Neurosci Off J Soc Neurosci. 4 janv 2012;32(1):124‐32). La RC permettrait également une meilleure neurogenèse. Chez le singe, des études supposent que la RC s’opposerait aux changements physiopathologiques associés à l’âge tels que la diminution de l’atrophie cérébrale et des capacités d’apprentissage. Avons-nous besoin de nous infliger des périodes de jeûnes et des restrictions alimentaires pour cela ? Le cerveau et la mémoire sont comme les muscles, ils ont besoin d’un entrainement régulier et d’un apport alimentaire sain, équilibré et varié !

10. Résistance améliorée au stress médicamenteux : Parlons-nous ici de cancer et de chimiothérapie ? Dans ce cas précis, la réponse est très claire : NON, aucunement. Certains, en effet, suggèrent l’intérêt du jeûne dans le cancer pour priver la tumeur de sa fourniture en nutriments. En réalité, on va surtout induire une perte de poids et accentuer le risque de dénutrition ; or le maintien de l’état nutritionnel est fondamental pour les défenses immunitaires du cancéreux. Ce sont d’ailleurs les conclusions du rapport NaCre 2017, ne montrant chez l’homme aucun bénéfice actuellement prouvé. De la même manière, il n’existe aucune donnée probante concernant le jeûne comme adjuvant à la chimiothérapie. (L’inverse est bien documenté).

11. Diminution du mauvais cholestérol : Cf. point 5

12. Régulation de la température corporelle : j’avoue, celle-ci, je ne l’avais jamais lu avant ! je reste bouche bée !

13. Réduction du risque de diabète : Il est bien établi, pour le métabolisme glucidique, que la RC, associée à la perte de poids, permet une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Le taux d’insuline à jeun diminue jusqu’à 42% chez les non obèses (Bhutani S, Klempel MC, Kroeger CM, Trepanowski JF, Varady KA. Alternate day fasting and endurance exercise combine to reduce body weight and favorably alter plasma lipids in obese humans. Obes Silver Spring Md. juill 2013;21(7):1370‐9.) et la sensibilité à l’insuline est améliorée. L’hémoglobine glyquée des sujets sains s’abaisse pendant la période de jeûne mais pas de manière durable en post-restriction. Les résultats concernant le taux de glucose sanguin sont moins concluants puisque certaines études ne notent aucun changement de ce paramètre, alors que d’autres relèvent une diminution allant jusqu’à 21% du taux de sucre (Walford RL, Mock D, Verdery R, MacCallum T. Calorie Restriction in Biosphere 2: Alterations in Physiologic, Hematologic, Hormonal, and Biochemical Parameters in Humans Restricted for a 2-Year Period. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 1 juin 2002;57(6):B211‐24.).
L’apparition rapide de ces bénéfices sur les facteurs de risque du diabète indiquerait qu’ils ne sont pas directement liés à la perte de poids mais plutôt à l’amélioration de la sensibilité à l’insuline. Deux études épidémiologiques de 448 et 200 sujets sains pratiquant un jour par mois un jeûne religieux montrent, en effet, un risque de diabète réduit de 43%.

14. Meilleure résistance au stress oxydatif : Je ne comprends pas la logique de cette affirmation, surtout chez le sportif. Je me permets de vous renvoyer à l’article sur les antioxydants paru dans la newsletter du mois de septembre 2019.

15. Le ralentissement du développement des maladies chroniques : Bien que de nombreuses cliniques lucratives en Allemagne, en Suisse, en Italie proposent des cures de jeûne à des fins thérapeutiques pour des maladies chroniques, métaboliques, rhumatologiques, intestinales, neuropsychiatriques, aucun effet durable n’a été établi ainsi que le conclut le rapport de l’INSERM de 2014 (cité plus haut au point 4). Il n’est d’ailleurs pas reconnu en France comme une méthode thérapeutique.

16. La lutte contre certains cancers : La littérature scientifique a analysé les effets du jeûne sur différentes phases évolutives et de traitement du cancer, se penchant tant sur l’initiation que sur la progression tumorale, ou encore sur sa réponse au traitement chimiothérapeutique. Les études du lien entre cancer et jeûne sont très limitées chez l’Homme contrairement à celles concernant les liens entre les différents modèles alimentaires et le cancer. Suite à la famine hollandaise de 1944-1945, le risque de développer un cancer du sein aurait augmenté dans la population de femmes âgées de 2 à 33 ans et cela en relation avec le degré d’exposition à la famine. Les taux d’incidence de cancer de sein ajustés à l’âge étaient de 2.48, 2.8 et 4.05 pour 1000 personnes - années respectivement pour les femmes non exposées, modérément exposées et sévèrement exposées à la famine. Après ajustement à d’autres variables, les femmes qui étaient modérément et sévèrement exposées à la famine avaient respectivement un risque de cancer du sein plus élevé de 13% et 48% que les femmes non exposées. De plus, le risque de cancer semblait être influencé par l’âge d’exposition à la famine et par la nulliparité (Elias SG, Peeters PHM, Grobbee DE, Noord PAH v. Breast Cancer Risk After Caloric Restriction During the 1944-1945 Dutch Famine. JNCI J Natl Cancer Inst. 7 avr 2004;96(7):539‐46.).

➢ Ce que l’on peut lire sur le web :

Savez-vous que le jeûne intermittent, permet d’atteindre des niveaux de santé et d’énergie optimaux. Le jeûne intermittent, est basé sur le mode de vie de nos ancêtres guerriers et chasseurs cueilleurs. Ces athlètes au naturel étaient capables de marcher, courir, chasser, combattre toute la journée sans s’alimenter, pour se rassasier le soir venu, avec de grosses portions de nourriture.

La réponse médicale/ scientifique :

Je ne me souviens pas que nos ancêtres guerriers et chasseurs cueilleurs aient eu une espérance de vie très enviable !

La fatigue est LE symptôme cardinal du jeûne.

L’hyperactivité du début de jeûne observée dans le modèle animal, ne s’applique pas à l’Homme. La fatigue semble affecter de la même manière les hommes et les femmes, les personnes à IMC dans la norme et les obèses. Elle se manifeste dès les premières heures de jeûne et persiste plusieurs semaines après l’arrêt de ce dernier (Johnstone AM. Fasting ? the ultimate diet? Obes Rev. mai 2007;8(3):211‐22.). L’étude du Minnesota (Keys A, 1950) montre que la fatigue est fréquente, intense, accompagnée de douleurs musculaires, d’étourdissements, d’apathie, de perte d’ambition, d’une insomnie et d’un besoin accru d’heures de sommeil. La même symptomatologie est observée lors du jeûne du ramadan.
Des études montrent que la fatigue chronique s’accompagne d’une diminution de l’activité physique spontanée. D’autres ne relèvent aucun changement de ce paramètre. Chez la personne saine, une RC totale de 2 jours ne montre aucun changement sur l’attention, la vitesse de pensée, l’apprentissage, le raisonnement ni sur les composantes de l’humeur (fatigue, vigueur, tension, colère) (Lieberman HR, Caruso CM, Niro PJ, Adam GE, Kellogg MD, Nindl BC, et al. A double-blind, placebo-controlled test of 2 d of calorie deprivation: effects on cognition, activity, sleep, and interstitial glucose concentrations. Am J Clin Nutr. 9 janv 2008;88(3):667‐76.). Concernant la santé psychique, diverses études impliquant une RC témoignent des effets néfastes du jeûne avec le développement d’irritabilité, d’incapacité de concentration, de retrait social, ou, de façon plus inquiétante, des scores augmentés pour la dépression, l’hypochondrie, l’hystérie ou encore la schizophrénie et la paranoïa sur le long terme.

➢ Ce que l’on peut lire sur le web :

Lorsque l’on jeûne, le corps rentre dans ce qu’on appelle le repos métabolique.
Aucun aliment (ni même parfois aucun liquide) ne passe par le tube digestif. Ce qui a pour effet de supprimer toute activité digestive due par nos prises alimentaires, si minimes soient-elles. Ce qu’il faut bien comprendre à la base, c’est que la digestion fait partie de la priorité n°1 de votre organisme. Dès qu’un aliment rentre dans votre bouche, tout votre corps est concentré sur le processus digestif. Notamment l’afflux sanguin qui se dirige vers l’estomac. Donc si une grande quantité de votre sang se concentre au niveau de l’estomac, c’est qu’il ne peut pas se concentrer ailleurs. Pour optimiser son activité sportive, notre corps a besoin d’une grande quantité de sang au niveau de l’ensemble de nos muscles. Si nous mangeons avant l’effort, nos performances sportives ne pourront pas être à leur maximum, cela est une évidence. S’il n’y a rien à digérer, le corps n’est donc pas alourdi par la digestion. Il a plus d’énergie à fournir pour la mobilité et l’exercice physique.

La réponse médicale/ scientifique :

D’une manière générale, notre tube digestif fonctionne en permanence ; que nous soyons à jeun ou pas, il est toujours irrigué, agité par un certain péristaltisme. Par ailleurs, même l’eau et les autres sécrétions (nasales…) passent par le tube digestif pour être dégradés et assimilés.
La digestion est de manière habituelle une priorité pour l’organisme. C’est grâce à elle que notre organisme reçoit les macro et micronutriments dont il a besoin pour assurer sa survie et fonctionner ! Lors d’un effort physique prolongé, on constate une diminution importante de l’irrigation sanguine des organes digestifs au profit des muscles dont les besoins sont augmentés. Le coût énergétique de la digestion est donc minime. Cette diminution d’irrigation peut atteindre 45% au repos au cours d’un effort inférieur à 60% du VO2 max et jusqu’à 80% lors d’un effort submaximal. Ce phénomène d’adaptation naturel entraine des risques de troubles digestifs qui peuvent être aggravés par le climat chaud, un défaut d’entrainement, l’effet mécanique de la foulée, le stress… C’est pour cela que la façon dont vous vous alimentez et hydratez avant, pendant et après l’effort est lourd de conséquences. Courir à jeun permet peut-être, de manière très schématique et simpliste, d’économiser l’énergie nécessaire à la digestion, mais demande l’activation de voies du métabolisme glucidique qui mettent les fibres musculaires en danger. De plus, la déshydratation (les aliments sont de forts pourvoyeurs d’eau) augmente l’ischémie intestinale, les risques de troubles digestifs et une fois encore, la détérioration des fibres musculaires. (Ne pas oublier que le cœur est un muscle strié qui a besoin d’énergie en continu !)

➢ Ce que l’on peut lire sur le web :

Le jeûne est fréquent dans les sports d’endurance (course à pied, triathlon, cyclisme…), les sports à visée esthétique (gymnastique, danse…) et les sports à catégorie de poids comme certains arts martiaux. Parfois, cela peut aboutir à des troubles du comportement alimentaire au fil du temps chez les sportifs et sportives qui souhaitent aller trop vite dans la démarche notamment de perte de poids.

La réponse médicale/ scientifique :

Nous arrivons là à la notion d’orthorexie du sportif ou obsession nutritionnelle ! L’orthorexie signifie littéralement le « manger droit ». Elle a été décrite pour la première fois au début des années 2000 par un médecin américain, le docteur S. Bratman, comme une obsession ou une fixation pathologique autour de la nourriture saine. L’orthorexique se fixe une éthique alimentaire rigoureuse, composée de règles strictes, qu’il s’astreint à respecter quotidiennement : concernant le choix et le rituel d’achat des aliments, leur préparation, leur cuisson, etc. Il ne cesse de planifier, sur un terme plus ou moins long, ce qu’il va manger et dans quelle condition. Le jeûne est une pratique courante chez les patients orthorexiques. Nos sociétés prônent l’équilibre et plus encore une certaine perfection alimentaire. « Manger juste » était déjà un slogan lancé par les autorités sanitaires françaises dans les années 80. De « manger juste » à « manger droit », il y a un pas que certains n’hésitent pas à franchir. Une mauvaise alimentation est incriminée dans l’apparition des grandes pathologies chroniques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui : obésités, cancers, maladies cardiovasculaires et métaboliques. Une bonne alimentation est censée nous en prémunir. L’identité des orthorexiques est fortement liée à l’attention obsessionnelle qu’ils portent quotidiennement à la nourriture. La prise alimentaire devient un acte individuel, quasiment égoïste, sans plaisir, où les autres n’ont pas de place. Les orthorexiques ont aussi tendance à développer un sentiment de supériorité face à ceux qui continuent de « s’engluer » dans des modes de vie et des pratiques alimentaires malsaines. Dans leur isolement, ils pourraient finir par se croire, non seulement supérieurs, mais éternels... L’orthorexie aujourd’hui ne fait pas l’objet d’une reconnaissance officielle qui la classerait parmi les troubles du comportement alimentaire comme l’anorexie ou la boulimie. Des médecins y font toutefois de plus en plus souvent référence pour catégoriser certains comportements. Il reste encore tout un travail descriptif et clinique à réaliser pour savoir si l’on peut réellement parler d’une maladie qui a des effets délétères sur la santé.

➢ Des effets néfastes avérés :

La reprise de poids !
Les bénéfices du jeûne sur le poids ou la composition corporelle existent seulement à court terme car la symptomatologie persistante de faim et d’envie de manger rend la compliance difficile dans la durée. Les comportements de compensation sont au final responsables des effets yoyo observés dans les études traitant de l’obésité.
Certaines études témoignent d’une sensation de faim qui persiste voire qui augmente progressivement lors de jeûne total. Dans l’étude du Minnesota de Keys, la faim est ressentie par tous les sujets avec pour certains des troubles du comportement alimentaire de type binge eating. Lors du retour à une nourriture à volonté, ces sujets développent une hyperphagie compensatrice (50 à 200% de la prise alimentaire habituelle) qui permet un retour à la normale de la masse maigre au prix d’un excès de masse grasse, d’un rebond d’adiposité. Ce phénomène est appelé « post- starvation obesity » par Keys. Une autre étude met en relation les épisodes de jeûne total de 24h, récurrents (33 épisodes en un an), effectués par des jeunes femmes avec un risque accru de binge eating et de boulimie durant les 5 ans de suivi. ( Stice E, Davis K, Miller NP, Marti CN. Fasting Increases Risk for Onset of Binge Eating and Bulimic Pathology: A 5-Year Prospective Study. J Abnorm Psychol. nov 2008;117(4):941‐6.). Lorsqu’une hyperphagie est l’une des causes de la surcharge pondérale ou de l’obésité d’une personne, une RC n’apporte aucun bénéfice durable en termes de sensation de faim et de satiété.

Les maux de tête :

Ils font partie des plaintes les plus fréquemment évoquées lors de la pratique du ramadan avec une incidence de 41% chez les jeuneurs contre 8% chez les non jeuneurs. Une étude (Leiper JB, Molla AM, Molla AM. Effects on health of fluid restriction during fasting in Ramadan. Eur J Clin Nutr. déc 2003;57:S30‐8.) apporte les mêmes résultats attribuant l’augmentation d’incidence des maux de tête soit à l’arrêt brutal de l’apport en caféine, soit au jeûne per se. Une augmentation des accidents durant les périodes de ramadan a également été décrite, expliquée par les probables changements d’humeur et diminution des fonctions cognitives.

La problématique très actuelle de l’immunité :

L’immunité semble elle aussi ne pas bénéficier de la restriction calorique. Des animaux sous RC mis en contact avec des infections polymicrobiennes luttent moins bien que leurs congénères profitant d’une alimentation à volonté. De façon similaire, les animaux sous RC infectés par des parasites intestinaux ont des évolutions bien moins favorables que ceux qui ont un accès non restrictif à la nourriture. Chez l’homme, des études plus anciennes avaient remarqué une augmentation en fréquence ainsi qu’une évolution défavorable de maladies telles que la diphtérie, la dysenterie, le typhus, le choléra, ou encore la tuberculose lors de famine (Keys A, 1950). Les raisons évoquées à l’époque étaient la diminution de métabolisme de base observé sous RC ainsi qu’une perméabilité accrue du tractus gastro-intestinal aux microorganismes. La diminution de la production d’anticorps serait également responsable des effets délétères de la réponse immunitaire face aux infections. Le cercle vicieux de l’infection est ainsi établi.

➢ Mes conseils :

Qui veut aller loin ménage sa monture !

Face à une société de surconsommation et d’abondance, le jeûne peut être ressenti comme une réponse alternative à l’excès et au gaspillage, avec en outre une maîtrise de ce que l’on mange. Toutefois, les sports d’endurance maltraitent le corps. Nous nous devons d’être vigilants quant à son entretien. Il est donc inutile de s’infliger, via le jeûne, une maltraitance supplémentaire, d’autant que les preuves scientifiques actuelles ne permettent pas de recommander cette pratique chez l’humain en bonne santé.

Les bénéfices en termes de prévention des maladies cardiovasculaires, oncologiques et du vieillissement sont en partie démontrés chez l’animal mais sont chez l’homme controversés. Dans le cadre de l’obésité, le jeûne se révèle aussi inefficace.

La littérature grand public et internet rendent le message confus en diffusant des bénéfices qui ne peuvent pas être généralisés à tous. Les bénéfices sont spécifiques à une ou plusieurs espèces animales, à des sujets dont l’état nutritionnel et de santé varient, à des modalités de jeûne qui diffèrent en termes de type, de durée et de période de pratique. Le jeûne ne devrait être pratiqué que sur avis médical, dans la limite de certaines pathologies, et sous surveillance en milieu hospitalier.

Il sera donc plus opportun et raisonnable de toujours privilégier une alimentation saine, variée avec des apports équilibrés en lien avec les phases d’entrainements avec les conseils et sous le contrôle d’un médecin nutritionniste ou d’une diététicienne, spécialisés dans l’alimentation du sportif.

➢ Références scientifiques :

Rapport INSERM : « Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique », Juliette Gueguen Isabelle Dufaure Caroline Barry Bruno Falissard ; Avec l’expertise critique d’Hadrien Reyre et de Luca Semerano – 10/01/2014

Bhutani S, Klempel MC, Kroeger CM, Trepanowski JF, Varady KA. Alternate day fasting and endurance exercise combine to reduce body weight and favorably alter plasma lipids in obese humans. Obes Silver Spring Md. juill 2013;21(7):1370‐9.

Walford RL, Mock D, Verdery R, MacCallum T. Calorie Restriction in Biosphere 2: Alterations in Physiologic, Hematologic, Hormonal, and Biochemical Parameters in Humans Restricted for a 2-Year Period. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 1 juin 2002;57(6):B211‐24.

Stice E, Davis K, Miller NP, Marti CN. Fasting Increases Risk for Onset of Binge Eating and Bulimic Pathology: A 5-Year Prospective Study. J Abnorm Psychol. nov 2008;117(4):941‐6.

Mémoire de Maitrise en médecine N°1 – Y a-t-il un bénéfice du jeûne chez la personne en bonne santé et chez le sujet malade ? Adeline de Camaret. Sous la direction du Pr François Pralong, du Dr Pauline Coti Bertrand, et du Pr Luc Tappy, Dpt d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme, CHUV ; Faculté de Biologie et de Médecine de Lausanne, Décembre 2015

Le jeûne dans la santé et pendant la maladie – Najate Achamrah, Yves M. Dupertuis, Claude Pichard - Rev Med Suisse 2018; volume 14. 1128-1132

« Nutrition préventive et thérapeutique » - Jean-Michel Lecerf et Jean-Louis Schlienger, 2ème édition, Éditions Elsevier Masson, mars 2020

L’orthorexie, une obsession nutritionnelle – 3 Questions à Camille Adamiec - Doctorante de la Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg – Nutrinews Hebdo 2018

Sites :

www.vidal.fr

www.sante-et-nutrition.com – Anthony Berthou, Nutritionniste expert en nutrition, micronutrition et activité physique, enseignant universitaire à Lausanne et en France, membre du Comité Scientifique de la Fondation du Sport Français…

➢ Références informations grand public : Que je vous déconseille fortement !

www.sport-passion.fr/sante/le-jeune-intermittent - par Hugo Blanc « Sagesse Santé »

www.courirajeun.com/jeuner-que-se-passe-t-il-dans-notre-corps/
- par Lucie du site Vivons physio-logique

www.sportalimentation.com/sport-et-jeune-intermittent/ - par Thierry Sestrières, auteur et ancien sportif

www.effervesciences.com/jeune-effets-du-jeune-sur-la-performance.html - auteur inconnu


Caroline JOUCLA • Nutritionniste-diététicienne Diplômée d’Etat • www.carolinejoucladieteticienne.com